« Dans dix ans, nous serons plus connus qu’aujourd’hui »
[Entrevue de Septembre 2018]
Aller vers l’ouest, aller vers l’est : avec l’ouverture du Experience Centre à Singapour, Heinz Haab, Directeur commercial de Hawa Sliding Solutions, a réalisé un rêve. Il explique les défis de l’internationalisation – et pourquoi l’entreprise s’est lancée dans une politique d’expansion.
Monsieur Haab, qu’est-ce qui peut coulisser dans votre maison ?
Heinz Haab : Pour moi, le coulissement n’est jamais une fin en soi. Chaque solution de coulissement doit améliorer le bienêtre dans l’habitation. Je vis dans un appartement de deux étages. J’y ai, entre autres, quatre portes coulissantes en verre, une porte coulissante en bois et une armoire avec une solution pour porte coulissante. Tout cela aide à faire un meilleur usage de l’espace – et vous donne une liberté de mouvement.
En 2005, vous avez ouvert votre première succursale à l’étranger : à Dubaï. Pourquoi ?
Lorsque mon cousin Gregor et moi avons pris la direction de l’entreprise, nous voulions compléter le modèle d’affaires de nos pères. Jusque-là, nous étions une entreprise industrielle qui fabriquait des produits pour le commerce spécialisé. Nous n’avions pas de relations intenses avec les partenaires spécialisés sur les marchés, alors que nous nous déplacions à l’étranger. Mais les attaques du WTC du 11 septembre 2001 ont également secoué notre entreprise. C’est pourquoi nous avons rassemblé nos forces avant d’établir notre plan d’affaires et de le mettre en œuvre en 2005. Nous voulions nous rapprocher des marchés et des besoins des clients.
Pourquoi avez-vous choisi Dubaï ?
Déjà à l’époque, nous exposions nos produits au Big 5 Show qui a lieu chaque année à Dubaï. Nous travaillions avec succès avec des partenaires régionaux. Dubaï est la plus grande ville des Émirats arabes unis. Ce n’est pas seulement assez proche au niveau géographique, mais aussi au niveau de la langue et du savoir-faire. L’émirat de Dubaï est moderne et cosmopolite.
Mais les personnes fonctionnent différemment qu’en Suisse.
Bien sûr, des ateliers culturels ont été nécessaires pour mieux comprendre le monde arabe. Mais nous, les Européens, devons renoncer à nos notions simplifiées de cette région et, au contraire, rencontrer les personnes et les circonstances sur le terrain, avec un esprit ouvert et les sens en éveil.
Cinq ans plus tard, vous avez ouvert une succursale à Dallas. Quelle est l’importance du marché local ?
C’est un marché d’avenir qui surpasse nos attentes : en Amérique du Nord, il y a deux économies totalisant environ 360 millions de personnes. Beaucoup d’entre eux ont un fort pouvoir d’achat et attachent une grande importance à la qualité. À l’inverse, plus d’un milliard de personnes sont recensées en Inde, mais leur pouvoir d’achat est plus faible. L’Amérique du Nord n’était pas un nouveau territoire pour nous. Nous l’avons intégré dans les années 80 par le biais d’un partenaire commercial. Depuis 2010, nous y sommes aussi implantés. Mais nous ne prenons rien à nos partenaires. Bien au contraire : nous les aidons à augmenter leur chiffre d’affaires avec nos produits.
En automne 2017, vous avez franchi une étape importante : vous avez ouvert le Experience Center à Singapour.
Nous avions rêvé de conquérir l’est et l’ouest. Aujourd’hui, nous y sommes parvenus – un sentiment agréable ! Notre équipe à Singapour est ambitieuse. Nous avons réalisé les objectifs budgétaires l’an dernier, et cette année, nous sommes déjà sur la bonne voie.
Pourquoi avoir choisi le terme « Experience Center » ?
C’est plus qu’un showroom. Dans notre centre de Singapour, vous ne pouvez pas seulement voir des solutions, vous pouvez les expérimenter – que vous vous intéressiez aux maisons privées, aux bâtiments commerciaux ou aux hôtels. Tout le monde peut essayer ce que peut offrir le coulissement.
Vous produisez en Suisse, à Mettmenstetten et à Sirnach. Est-ce un argument de vente ?
Oui. Les valeurs suisses telles que la fiabilité et la qualité sont très demandées. De manière générale d’ailleurs, l’Europe possède une bonne réputation. Ce qui nous distingue, c’est l’organisation de nos usines. Lorsque nous accueillons des invités de l’étranger, ils sont souvent étonnés : « C’est tellement propre qu’il est possible de manger sur le sol de l’usine ! » La qualité exige un environnement propre, une automatisation de pointe et un personnel qualifié. Le système de formation professionnelle suisse est un atout. Mais il y a une autre vertu qui est appréciée : notre « modestie ». Nous sommes des créateurs sérieux qui nous imposons un haut degré d’accomplissement du devoir – depuis plus d’un demi-siècle.
Dans quelle mesure les clients sont-ils prêts à payer pour la qualité ?
Le facteur décisif est le rapport entre le prix et la prestation. Pour les personnes qui ne regardent que le prix, nous ne sommes pas le bon partenaire. Mais il existe de nombreux segments de marché sur lesquels la qualité peut valoir un certain prix. Personne ne veut s’embêter avec une porte coulissante défectueuse ou payer pour des défauts de construction. Au contraire, les personnes désirent une solution pour portes coulissantes qui fonctionne à long terme. En termes de coût de revient global, nos solutions obtiennent de bons résultats. Les clients réguliers me disent : « Les solutions bon marché me coûtent cher ! »
Un bon produit ne suffit pas – vous devez également savoir comment l’utiliser correctement.
Exactement. La meilleure ferrure est peu utile si elle est mal montée. Quand nous équipons un hôtel, nous formons les contremaîtres et nous les accompagnons tout au long du montage. Cela nous peine lorsque nos produits de qualité ne sont pas utilisés de manière optimale.
Qu’est-ce qui rend le vieux continent si spécial ?
L’Europe est notre marché domestique. Ici, nous trouvons d’excellents experts dans les domaines de l’architecture, l’artisanat et la technique – en particulier aussi en Suisse. Dans le même temps, la concurrence en Europe est intense.
Le marché européen semble stagner ...
Nous voulons croître ici aussi. Mais nous ne pouvons pas nous limiter à l’Europe. Entretemps, nous sommes bien positionnés à l’international. Si un marché ou le taux de change de l’euro s’effondre, nous pouvons partiellement compenser cela par d’autres marchés.
"Nous avions toujours rêvé de conquérir l’est et l’ouest. Aujourd’hui, nous y sommes parvenus. "
Depuis l’année dernière, Hawa et EKU interviennent ensemble sous le nom de Hawa Sliding Solutions. Comment s’est déroulée la fusion ?
Nous préférons parler d’intégration. Parce que Hawa et EKU étaient des entreprises rentables bénéficiant d’une forte culture. La fusion n’avait pas pour objectif une économie des coûts. En réalisant des synergies, nous finançons nos initiatives de croissance. Ainsi, nous avons, par exemple, étendu notre présence dans la région Asie-Pacifique. En outre, nous voulons augmenter la qualité dans tous les domaines. Je suis très fier de notre personnel : la plupart d’entre eux ont soutenu les évolutions. Chaque individu a dû changer de mentalité pour créer une nouvelle culture d’entreprise orientée vers l’économie du marché.
Un objectif ambitieux ...
Nous avons en tant qu’organe de direction avec sept membres de direction rencontré pendant 14 mois un spécialiste au cours d’ateliers pour façonner la future culture de Hawa Sliding Solutions. Une culture peut simplement être créée ou consciemment formée – nous avons choisi la deuxième option. Mais nous continuons à produire sur nos deux sites. La direction est appelée à mettre en œuvre uniformément la nouvelle culture au sein des sites et à ne plus accepter les anciens schémas de comportement. Le chemin que nous avons déjà pris culturellement est substantiel et me rend confiant.
Comment les partenaires du marché ont-ils réagi à l’intégration ?
Beaucoup de clients ont dit : « Vous auriez pu le faire depuis longtemps ! » D’autres nous ont encouragés : « Vous êtes deux entreprises si puissantes – la fusion doit être une bonne chose. »
EKU appartenait déjà à Hawa.
Beaucoup ne le savaient pas, bien que nous n’en ayons jamais fait un secret. Hawa AG avait repris la société en 1992. Le gérant nommé à l’époque a très bien développé EKU avec des solutions innovantes, et le chiffre d’affaires a connu une importante progression. EKU est très implantée dans le secteur du meuble.
Donnez-nous un exemple de défi.
Le stade des Falcons d’Atlanta est équipé de boîtes en verre. Lorsque 80’000 personnes remplissent le stade, chaque étage se rétrécit de quelques millimètres. Une cloison en verre ne doit pas être mise sous pression, sinon elle coince. Nous avons donc développé une partie supplémentaire pour maîtriser le défi technique. Nous devons bien écouter les clients – et développer des solutions adaptées. Notre force réside dans la flexibilité et la faculté d’innovation.
"Nous avons fait de deux bateaux un grand navire. Maintenant nous pouvons accélérer."
Comment gérez-vous les différentes cultures ?
Il ne suffit pas que les patrons comprennent un pays. Il est important que le plus de collaborateurs possibles comprennent les autres cultures. Cela nécessite des rencontres personnelles. Des collaborateurs nous accompagnent en déplacement et nous les envoyons dans d’autres pays. C’est la seule façon de créer un sentiment de « Nous ». De plus, tous les commerciaux se rencontrent en Suisse trois fois par an.
Quelles en sont les conséquences pour les sites en Suisse ?
Nous parlons plus souvent anglais au quotidien, nous acquérons une compréhension des autres régions et nous répondons mieux aux principes de l’économie de marché. Cela nous fait du bien !
Les idées de conception ne sont-elles pas discutées ?
Nos ferrures pour portes coulissantes sont habituellement invisibles. Cependant, il est essentiel qu’elles puissent convaincre au niveau technique et offrir des solutions. C’est également important qu’elles soient agréables au toucher lorsque les artisans et architectes les manipulent.
Que faites-vous pour faciliter le travail des architectes et des artisans ?
Nous fournissons des outils numériques, des clips vidéo et des tutoriels expliquant nos solutions. Mais nous sommes surtout prêts à les aider personnellement sur place. Ceci est très important pour de nombreux clients – malgré la numérisation.
Cela vaut-t-il aussi bien à Miami qu’à Mettmenstetten et à Sirnach ?
Les artisans et les architectes de Mettmenstetten et Sirnach peuvent rapidement venir dans notre usine. Mais les partenaires spécialisés de Miami peuvent également compter sur l’assistance en ligne ainsi que des personnes compétentes qui les conseillent avec plaisir.
La numérisation soutient-elle l’internationalisation ?
Elle concerne toutes nos divisions et permet de mettre rapidement des innovations sur les marchés. Il est très important de renforcer notre culture numérique pour toutes les parties prenantes.
Où voyez-vous Hawa Sliding Solutions dans 10 ans ?
Nous avons fait de deux bateaux un grand navire. Maintenant nous pouvons prendre de la vitesse. Nous avons prévu des innovations et renforçons notre offre marketing. Dans beaucoup d’endroits, nous sommes encore trop peu remarqués, bien que nous ayons des solutions. Dans dix ans, nous serons plus connus qu’aujourd’hui.